Mon ego était au top de sa forme et je ne manquais aucune occasion de le flatter. Mes amis et ma compagne de l’époque avaient remarqué le changement dans ma personnalité mais j’ai été berné et endormi par l’Audi de fonction, les voyages en première classe, les beaux hôtels, les restaurants étoilés enfin par les paillettes d’un monde édulcoré. 

J’étais jeune, ignorant, arrogant et motivé par le succès et la reconnaissance. La chute a été difficile quand je me suis aperçu que je ne n’étais qu’un pion sur l’échiquier, un citron dont on presse le jus puis que l’on jette. Éreinté par cette vie de fou et la pression exercée par mes supérieurs pour vendre encore plus, j’ai décidé de quitter l’entreprise. Seulement, la hiérarchie n’a pas accepté ma demande et malgré toutes les années et le temps investi, mon départ fût très chaotique et traumatisant m’obligeant à faire appel à un avocat pour obtenir gain de cause. Je suis parti sans pots de départ, ni célébration, ni remerciement et bien que impacté par cette fin inattendue, le rêve d’une vie se profilait devant moi. Je partais pour un voyage d’un an qui commençait en Octobre 2010.  

J’avais opté pour un tour des continents en démarrant par l’Asie, puis l’Océanie et finissant en Amérique du Sud. Plus de compte à rendre, de rapports à donner, d’horaires ni emploi du temps à respecter. J’étais libre avec les joies et les craintes que cela engendre. Le premier choc eut lieu au contact de la terre de mes ancêtres paternels. L’Inde grouillante de monde, d’odeurs et de bruits m’a autant déstabilisé que captivé mêlant choc de culture et sensation familière. Au fil des rencontres, de la beauté des paysages et de la magie du voyage, mon rythme de vie s’est naturellement ralenti pour observer, apprécier et contempler ce qui s’offrait à moi. Cette année d’aventure à été l’élément déclencheur et l’esquisse de mon futur. Je me rappelle du regard étonné de ma famille et de mes amis à mon retour. J’atterrissais avec une barbe qui masquait mon visage et des longs cheveux qui couvraient mes épaules mais la vraie transformation ne pouvait se voir. Elle était intérieure et je me rappelle m’être posé cette question. Qui suis-je devenu? 

De retour à Marseille sans travail, j’ai jonglé avec les petits jobs tantôt de la figuration, puis de la mise en rayon ou comme guide à vélo. Je gagnais peu mais je vivais à mon rythme me laissant du temps pour lire et m’immerger dans le yoga et la méditation. Ces années à ralentir m’ont aidées à faire le deuil de seize années de vie en couple. La rupture a été douloureuse et pour éviter d’être envahi par la solitude qui a suivi, j’ai décidé d’en faire une allié, une amie. Elle m’a suivi lors de mon déménagement en Andalousie où j’ai fait la rencontre de Thuy avec qui nous partageons depuis huit ans un mode de vie plutôt atypique tourné vers l’appréciation du temps en prônant le ralentissement. D’ailleurs, chaque année nous quittons le froid de Montréal pour une destination ensoleillée où nous passons les mois d’hiver. Nous n’avons pas gagné au loto et sommes loin d’êtres retraités mais notre expérience pourrait vous servir de guide et vous donner l’envie d’adopter ce que nous appelons La Vie En Slow.